• Disertation : 'les actes non décisoires'

     

    Droit Administratif

    « Les actes non décisoires »


     


     


     

    En tant qu'actes, les actes non décisoires appartiennent à la catégorie des actes administratifs unilatéraux. Cependant, ils sont « non décisoires », c'est-à-dire qu'ils s'opposent aux actes décisoires, plus habituellement désignés sous le terme de décisions, qui caractérisent les actes ayant effet de droit. Si l’acte administratif unilatéral est souvent assimilé à une décision qui s’impose à ses destinataires, sans leur consentement, cette conception est erronée : les actes non décisoires n'étant pas des décisions, ils ne peuvent faire grief, autrement dit, il ne peuvent avoir des effets sur la situation juridique des administrés. La détermination des actes non décisoires nécessité d'étudier la porosité qu'il existe entre eux et les décisions. Cependant, pour ce qui est des décisions, il ne agit uniquement d'établir les zones de contact entre elles et les actes non décisoires ; pour le reste, l'étude des actes non décisoires doit se cantonner à en étudier les tenants et les aboutissants, à en esquisser les ambiguïtés. Or, ce ne sont pas les ambiguïtés qui manquent concernant cette notion ; pour preuve : la profonde évolution jurisprudentielle qui la concerne. Aujourd'hui, cette notion est toujours en évolution, et la jurisprudence continue d'en modeler la définition ; or, dans un contexte où les tribunaux sont engorgés, le maintien d'actes dont le recours est impossible – comme c'est le cas, nous le verrons, des actes non décisoires – relève d'un intérêt tout particulier et peut se révéler précieux. Pourtant, la tendance depuis l'arrêt du Conseil d'État du 19 janvier 1954 (Institution ND du Kreisker) va plutôt dans le sens d'une régression de cette notion : les arrêts jurisprudentiels multiplient en effet les exceptions permettant un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, et l'opacité de la définition de certaines catégories appelle de nouvelles décisions visant à éclaircir – mais peut-être également à rétrécir – la notion d'actes non décisoires. Aussi ici se dessine un enjeu important qu'il s'agit d'étudier, à savoir l'intérêt et l'ambiguïté que comportent ces actes. L'acte non décisoire apparaît comme un acte de fonctionnement interne de l'Administration, nécessaire à son bon fonctionnement, et contre lequel l'impossibilité de recours pour excès de pouvoir est salvatrice car permettant de ne pas asphyxier la justice administrative. Néanmoins, la tendance jurisprudentielle visant à éclaircir et délimiter la notion, dans un but louable de mieux protéger les administrés contre une possible tentative illégale de modifier leur situation juridique, semble paradoxalement être davantage source d'incertitude juridique. Aussi s'agit-il de démontrer qu'un acte non modificateur de droit est nécessaire au bon fonctionnement interne de l'Administration (I), mais que persistent, voire se multiplient, les ambiguïtés concernant un possible ou non recours pour excès de de pouvoir lorsque l'on a affaire à un acte non décisoire.

    I- Un acte non modificateur de droit nécessaire au bon fonctionnement interne de l'Administration

    Les actes non décisoires se distinguent des actes administratifs décisoires, plus communément appelés des décisions. Les décisions sont des actes faits dans l'intention de produire des effets de droit. Il a donc pour objet et pour résultat de modifier une situation juridique. Or les actes non décisoires correspondent aux actes administratifs unilatéraux qui n'ont pas pour objectif avouer de créer une norme. Ils se caractérise en règle générale par des actes permettant le fonctionnement et 'organisation interne de l'Administration.

    A- La traditionnelle et nécessaire insusceptibilité de recours pour excès de pouvoir

    On distingue trois types d'actes non décisoires : les mesures d'ordre intérieur (MOI), les directives et les circulaires. Ce qui rassemble ces trois types d'actes c'est qu'ils ne concernent originellement que le fonctionnement interne de l'administration. Les actes non décisoires ne font pas grief, c'est-à-dire que ce ne sont pas des actes administratifs de nature à produire par eux-même des effets juridiques. De ce fait, un recours pour excès de pouvoir n'est guère possible car celui-ci n'est possible qu'en cas de modification de la situation juridique des administrés. Ainsi, les circulaires – ou notes de service – sont des communications par lesquelles un supérieur hiérarchique (un ministre par exemple) fait connaître à ses subordonnés ses intentions sur un point relatif à l'exécution du service ou à l'interprétation d'une loi ou d'un règlement. La circulaire n'est donc qu'un pur acte interne qui n'est destiné qu'aux seuls agents du service et non pas aux administrés. De la circulaire, la jurisprudence distingue la directive qui est un acte de portée générale par lequel une autorité disposant d’un pouvoir d’appréciation dans un certain domaine se fixe à elle-même, ou indique à ses subordonnés une ligne de conduite dans l’exercice de ce pouvoir. La directive est un « document d'orientation » qui permet à l'autorité investie d'un pouvoir discrétionnaire de faire connaître les critères généraux auxquels elle entend subordonner ses décisions. Un recours pour excès de pouvoir n'est possible qu'à l'encontre de ces décisions et non pas à l'encontre de la directive elle-même. Les MOI sont considérés comme des actes non décisoires du fait de la faible importance du préjudice causé aux administrés. Il s'agit par exemple des décisions proprement interne à une Administration, comme la répartition des étudiants en groupe de travaux dirigés par l'Administration universitaire. Il s'agit donc effectivement de décisions, mais le juge se refuse de les examiner en suivant l'adage « De minimis non curat praetor » : le juge ne s'occupe pas de causes insignifiantes. Il s'agit enfin de compte, à travers ces actes non décisoires d'éviter la paralysie de l'administration en limitant l'accès aux recours pour sur des causes de faible importance sur le droit administratif.

    B- L'introduction de la notion de circulaire réglementaire

    Une première difficulté apparaît néanmoins avec la distinction par la jurisprudence des circulaires réglementaires et des circulaires interprétatives. En effet, il se peut que des circulaires soient utilisés par un ministre dans le but de modifier la situation juridique des administrés. Dans ce cas, le Conseil d'État n'a pas hésité à déceler dans la circulaire un véritable acte administratif décisoire contre lequel un recours pour excès de pouvoir n'est plus irrecevable (CE, 29/01/1954, Institution ND du Kreisker). Avec ce dernier arrêt, le Conseil d'État fait apparaitre une distinction entre les circulaires interprétatives et les circulaires réglementaires. Les circulaires interprétatives correspondent aux circulaires respectant le principe initialement posé et ne sont donc pas concernés par la possibilité d'un recours pour excès de pouvoir. Les circulaires réglementaires quant à elles sont considérés comme de réelles décisions ayant pour but de créer du droit opposable aux administrés. Elle est porteuse de modifications de l'ordonnancement juridique existant en accordant des garanties nouvelles ou en imposant des obligations supplémentaires. En introduisant cette catégorie, le juge entend pouvoir les annulées du fait de leur illégalité. Ainsi, le juge peut s'attacher à ce que les circulaires respectent le principe originel leur imposant de ne pouvoir faire grief. Résultat : elles peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal administratif.


     

    Cependant, avec les circulaires réglementaires apparaît une faille : ce type d'actes ne cesse de se développer. Les ministres n'hésitent pas, pour des raisons d'opportunité, à glisser des dispositions à caractères normatifs dans des circulaires censées être interprétatives. Aussi apparaît une première ambiguïté. Non seulement cette volonté de clarifier la définition de la circulaire la rend en réalité plus floue, et cela entame de facto un processus de rétrécissement de la catégorie des actes non décisoires.

    II- L'ambiguïté des actes non décisoires concernant le recours pour excès de pouvoir

    Les actes non décisoires censés permettre de ne pas asphyxier la justice administrative finissent par échouer en partie dans leur objectif avec l'affaiblissement de la notion et donc son rétrécissement. Les actes non décisoires deviennent une catégorie dont l'ambiguïté apporte de l'incertitude juridique et encombre plus que d'ordinaire la justice administrative.

    A- L'incertitude concernant les effets de certaines directives circulaires interprétatives.

    Le Conseil d'État, avec l'arrêt du 18 décembre 2002 « Duvignères » fait apparaître une nouvelle distinction parmi les circulaires qui opacifie encore davantage la notion d'acte non décisoire. Le Conseil d'État, en effet considère qu’une circulaire, même si elle n’est pas réglementaire, est quand même susceptible d’être attaquée devant le juge administratif pour excès de pouvoir : il s'agit pour cela de déterminer si une circulaire possède un caractère impératif ou non. Si elle est impérative, c'est qu'elle fait grief, auquel cas, un recours est possible. Néanmoins, le caractère impératif d'une circulaire est très difficile à définir et cela rend la procédure judiciaire plus lourde et plus incertaine qu'auparavant. En ce qui concerne la directive, une ambiguïté point également. En effet, le juge attache à la directive certains effets juridiques : la décision individuelle prise par référence à une directive est légale, sauf si la directive est elle-même reconnue illégale ; par contre, le refus d'appliquer à un particulier une directive alors qu'il répond aux critères qu'elle prévoit est illégal, sauf si des données particulières justifiaient cette dérogation. On est donc en présence d'une notion hybride dont les contours sont loin d'être fixés. Aussi, cette notion se retrouve davantage obscurcie par la pratique du législateur qui n'hésite pas à qualifier parfois de directives de véritables décisions réglementaires. C'est le cas notamment des « directives d'aménagement national » prévues par le Code de l'urbanisme.

     

    B- Le possible recours pour excès de pouvoir en ce qui concerne les mesures d'ordre intérieures : une fragilisation profonde de la définition de l'acte non décisoire.

    En plus des différentes distinctions propres aux circulaires et directives, la catégorie des MOI est sujette à une sensible régression. Le Conseil d'État effectue un revirement de jurisprudence dans ses arrêts du 17/02/1995, Hardouin et Marie, relatifs aux sanctions infligées par l'administration militaire et l'administration pénitentiaire. En effet, le Conseil d'État a estimé que les punitions frappant M. Hardouin (maître timonier puni pour état d'ivresse lors d'une escale aux Canries) pouvait être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir en raison de « ses effets directs sur la liberté d'aller et venir du militaire, en dehors du service » et de « ses conséquences sur l'avancement ou le renouvellement des contrats d'engagement ». Il a adopté la même solution en ce qui concerne la punition de cellule affligée à M. Marie (puni par son établissement pénitencier pour s'être plaint au chef du service de l'inspection générale des affaires sociales d'un refus de soin dentaire), « eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure ». Ces arrêts de jurisprudence posent problème, car même s'ils permettent de considérer devant le juge des situations où, effectivement, la situation juridique des administrés est remise en cause, ils participent du même coup à la complexification de la notion même de MOI et d'actes non décisoires. En effet, le Conseil d'État semble avoir une position de plus en plus ambiguë quand il s'agit de considérer la modification ou non d'une norme juridique ainsi que la possibilité ou nom d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. La définition même d'acte non décisoire est fragilisée et il y a naissance d'une incertitude de plus en plus forte que la jurisprudence contribue à accroître.


     


  • Commentaires

    1
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